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Étude de cas n° 2 de Digna
Outils et leçons tirés d'une enquête sur l'exploitation et les abus sexuels

Outils et leçons tirés d'une enquête sur l'exploitation et les abus sexuels

Depuis juillet, nous publions une série d’études de cas élaborées en collaboration avec les membres de Coopération Canada. La deuxième de cette série présente l’expérience d’une agence de développement international qui a fait l’objet d’une enquête sur l’exploitation et les abus sexuels.

Dans cette étude de cas, vous trouverez les résultats de l’enquête sur une allégation selon laquelle un-e bénévole communautaire avait exigé des relations sexuelles en échange d’un soutien aux moyens de subsistance ou de l’inclusion des noms des membres de la communauté locale dans les activités et/ou les avantages du projet. Vous y trouverez des recommandations fournies par la personne en charge de l’enquête de l’EAS, les outils développés au cours du processus d’enquête, et les leçons apprises par l’agence.

Outils et leçons tirés d'une enquête sur l'exploitation et les abus sexuels


Introduction

Une agence de développement international (ci-après dénommée l’agence) réalise des projets et des programmes fondés sur un cadre des droits de la personne et, en tant qu’organisation, l’agence s’engage à créer une culture sûre et inclusive qui permet aux employé-e-s, aux partenaires, aux bénévoles et aux participant-e-s aux programmes de s’épanouir. L’agence reconnaît que la violence sexuelle viole des normes et des standards juridiques internationaux universellement reconnus.

L’agence travaille avec le secteur de la coopération internationale pour assurer une contribution à la responsabilité collective/partagée de prévenir la violence sexuelle. C’est pour cette raison qu’elle partage l’étude de cas suivante sur la PEAS, qui reflète son Code de conduite pour la prévention et la réponse à la violence sexuelle, ainsi que sa politique et son cadre en matière de PEAS. L’étude de cas a été rendue anonyme afin de protéger la confidentialité de toutes les parties concernées.

(1) Définition de la violence sexuelle

Selon la déclaration de principe et le cadre de la PEAS de l’agence, la violence sexuelle est définie comme “tout acte sexuel, tentative d’obtenir un acte sexuel, commentaire ou avance de nature sexuelle, ou actes visant à la traite ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s’y limiter, à la maison et au travail. La violence sexuelle englobe toute une série d’actes, notamment le harcèlement sexuel, l’exploitation sexuelle, l’agression sexuelle et l’abus sexuel, commis à l’encontre des bénéficiaires, du personnel, des bénévoles, etc. “


Synthèse de l'étude de cas

En 2020, le partenaire mondial de l’agence (ci-après dénommé partenaire) a reçu un rapport non confirmé d’un chef de communauté locale (ci-après dénommé plaignant) dans l’un des pays où l’agence opère (ci-après dénommé pays). Selon ce rapport, un bénévole de la communauté travaillant pour l’agence (ci-après dénommé répondant) exigeait des relations sexuelles en échange d’un soutien aux moyens de subsistance des membres de la communauté locale, ou de l’inclusion de leurs noms dans les activités et/ou les avantages du projet.

Le plaignant a également allégué que le répondant ne présélectionnait que les personnes qui se conformaient à ses exigences, même lorsque ces personnes n’étaient pas éligibles ou qualifiées pour le programme.

Pendant la gestion de cette plainte, l’agence a adopté une approche centrée sur les survivants et les a traités avec dignité et respect, a fait de leur sécurité une priorité absolue et a répondu à leurs besoins au cas par cas.

Après un premier entretien avec le plaignant, et après avoir confirmé la fiabilité et la crédibilité de la plainte reçue, l’agence a lancé une enquête formelle en matière de EAS avec l’aide d’une consultant-e indépendante spécialisée dans les enquêtes de sauvegarde. Dans le cadre de l’enquête, le/la consultant-e a mené des entretiens (en personne et par téléphone) avec les personnes impliquées, notamment le plaignant, les témoins, les survivants, le personnel local et le répondant. Le/La consultant-e était basée dans le pays et s’est rendue à l’endroit précis où l’affaire se déroulait pour enquêter sur les allégations présentées contre le répondant. Dans le cadre de l’enquête, le/la consultant-e a mené des entretiens (en personne et par téléphone) avec les personnes impliquées, notamment le plaignant, les témoins, les survivants, le personnel local et le répondant.

À la suite de l’enquête, le/la consultant-e a soumis à l’agence un rapport d’enquête de sauvegarde qui a conclu ce qui suit :

Les allégations contre le répondant concernant des problèmes de sauvegarde impliquant des abus, du harcèlement et de l’exploitation sexuels, qui constituaient une violation du contrat de bénévolat communautaire de l’agence, ont été corroborées sur la base de témoignages de témoins clés et de témoignages de deux survivant-e-s.


Recommandations

Dans le cadre du processus d’enquête, le/la consultant-e a fourni une liste de recommandations pour l’agence et le partenaire :

1. Informer les parties

Partager les conclusions de cette enquête avec le mis en cause et les autres parties concernées, y compris le partenaire et les dirigeant-e-s de la communauté, par souci de transparence et pour démontrer l’approche de tolérance zéro de l’agence en matière d’inconduite sexuelle.

2.Prévenir toute embauche future

Inclure une brève déclaration dans le dossier des ressources humaines du mis en cause afin d’empêcher son embauche future.

3. Formation

Tou-te-s les employé-e-s et les bénévoles des bureaux de l’agence doivent suivre une formation standard sur le code de conduite et les politiques de la PEAS. À cette fin, élaborez un plan clair qui comprend les dates de formation et les mises à jour continues.

4. Participation au niveau communautaire

La direction de l’agence doit fournir des informations claires sur les politiques et les procédures, ainsi que sur les rôles et les responsabilités du personnel assigné connu pour travailler avec les membres de la communauté, afin d’améliorer l’engagement avec la communauté locale.

5. Ressources humaines

Conservez des procédures opérationnelles standard claires pour le recrutement et le licenciement des bénévoles et définissez les responsabilités de leurs superviseurs. Ces procédures doivent être clarifiées pour garantir une sensibilisation permanente à ce qui se passe au niveau de la communauté, notamment par des mesures telles que des visites régulières de supervision, l’engagement et la communication avec les dirigeant-e-s de la communauté.


Leçons apprises

  • Aborder les politiques et procédures de la PEAS lors de l’établissement de partenariats : clarifier les rôles et les responsabilités, les ressources disponibles pendant les enquêtes et celles disponibles pour soutenir les survivants (médicales et psychosociales).
  • Veiller à ce que le personnel, les partenaires, les bénévoles et les membres de la communauté aient accès à une formation sur la PEAS (codes de conduite, politiques, procédures et mécanismes de plainte).
  • Identifier des consultant-e-s locaux qui peuvent agir en tant qu’enquêteur-trice-s et accéder aux ressources locales pour soutenir les cas de violence sexuelle.
  • Obtenir dès le départ le soutien des dirigeant-e-s de la communauté pour faciliter les communications, c’est-à-dire mener des entretiens, tout en veillant au respect de la vie privée et de l’anonymat.
  • Allouer un budget approprié pour mener les enquêtes et apporter un soutien aux survivants, notamment en couvrant les frais médicaux.
  • Mettre en œuvre des stratégies d’atténuation efficaces, en augmentant la participation de la communauté et en renforçant la capacité de l’agence à gérer et à répondre aux plaintes et aux enquêtes relatives à la violence sexuelle.
  • Intégrer la PEAS dans le processus de recrutement des bénévoles et du personnel (déclaration de position dans les descriptions de poste, inclusion de questions sur la PEAS dans les vérifications de références, documents d’auto-déclaration de la PEAS pour les candidat-e-s, qui devraient également être réaffirmé-e-s lors des entretiens, ainsi que l’approche de tolérance zéro de l’agence en matière de violence sexuelle).
  • Organiser des comptes rendus des cas de violence sexuelle avec les parties concernées afin de déterminer les besoins d’amélioration (c.-à-d. politiques, procédures, outils, formation).
  • Établir des directives de communication qui équilibrent la transparence et la responsabilité avec le respect de la vie privée et la confidentialité en ce qui concerne les cas de violence sexuelle.


Outils développés au cours de ce processus d'enquête

Les documents suivants sont disponibles en anglais et peuvent être téléchargés pour votre référence.

a. Document d’information clé

Informations clés sur les plaintes déposées en vertu de la PEAS (pour le personnel de l’agence concernée dans le cas)

  • Parties concernées
  • Questions initiales
  • Actions immédiates
  • Qui doit savoir quoi ?
  • Rôles et responsabilités (tableau)
  • Étapes suivantes

b. Document d’entretien initial

(pour confirmer la fiabilité et la crédibilité de la plainte reçue).

c. Termes de référence pour les enquêtes de sauvegarde

(pour l’enquêteur)

  • Introduction et historique du cas et contexte.
  • Plainte
  • Violations du contrat/de la politique/du code de conduite
  • Objectifs
  • Portée et principes de l’enquête
  • Méthodologie proposée
  • Parties prenantes et communication
  • Produits livrables
  • Mesures d’atténuation des risques/analyse de la sûreté et de la sécurité

d. Accord de consultant

e. Résumé de l’enquête de sauvegarde, recommandations et actions

f. Lettres au répondant, au plaignant, aux survivants et aux témoins informant des résultats de l’enquête

g. Modèle de session de débriefing

Pour l’enquêteur, le partenaire local et/ou les membres du personnel qui ont participé à un processus d’enquête.


Un message de Digna

Les annexes jointes sont des exemples tirés d’une organisation canadienne, à des fins d’inspiration et d’adaptation.

Digna encourage toutes les organisations à faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’elles reproduisent les exemples d’autres organisations. Dans tous les cas, Digna recommande ce qui suit :

  • Il est extrêmement important de noter que seules des personnes qualifiées doivent mener une enquête. Les enquêteurs doivent être préparés aux risques psychologiques potentiels pour eux-mêmes et pour les personnes avec lesquelles ils interagissent. Ils doivent être conscients des traumatismes potentiels et trouver des moyens d’éviter de retraumatiser les répondants, y compris les survivants, ainsi que les témoins ou autres informateurs clés.
  • Digna encourage les approches centrées sur les survivant-e-s et tenant compte des traumatismes pour prévenir et répondre à l’exploitation et aux abus sexuels. Cela signifie que la sécurité (tant physique que psychologique) est une priorité tout au long du processus.

Ressources utiles

Les documents suivants sont disponibles en anglais et peuvent être téléchargés pour votre référence.

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